“Bartabas chargea les architectes Patrick Bouchain et Jean Harari d’y édifier, pour trois millions de francs (“la moitié d’un décor de Chéreau” , dit-il en riant), ce qui allait devenir aussitôt un lieu mythique : une manière de basilique en bois de pin qui emprunterait à l’architecture russe, aux vieilles granges à foin savoyardes, aux relais de poste d’Europe centrale, aux halles à bestiaux du pays de Caux, au théâtre en bois de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault monté à la hâte dans la gare d’Orsay et aux manèges du XIXe siècle. Après avoir été guidé par deux haies de flambeaux, l’on y accéderait par un grand escalier. Il mènerait, passé le narthex, à deux mezzanines qui, à la hauteur des lustres, surplomberaient les écuries et conduiraient à pas lents, précautionneux, jusqu’aux gradins du cirque, situé sous le dôme central. Ainsi le public en marche processionnelle sur les déambulatoires pourrait-il admirer, d’en haut et en pleine lumière, les chevaux qui s’ébrouent avant le spectacle et respirer l’odeur animale des box avant d’être saisi par le parfum d’encens et de terre sèche qui flotterait dans l’obscurité du théâtre circulaire au centre duquel s’étendrait, magique, une piste de seize mètres de diamètre. Ce que Patrick Bouchain et Jean Harari construisaient était donc un palais équestre à vocation dramatique et chorégraphique. Ici, les chevaux précéderaient les hommes. Et les hommes écouteraient les chevaux. Ce ne serait pas une commodité, ce serait une philosophie.” Jérôme Garcin – extrait de Bartabas, un roman